2012 : vers un web post-social ?

A dĂ©faut d’ĂȘtre l’annĂ©e de l’apocalypse, 2012 marquera t-elle la fin de « la bulle » sociale (je parle de web bien sĂ»r) ?

Les grandes plateformes web de réseau social  sont nées au début des années 2000 : Meetic en 2001, Friendster en 2002, Myspace, Viadéo et LinkedIn en 2003, Facebook, Youtube et Dailymotion en 2005, Twitter en 2006.
10 ans aprÚs le début de cette vague, le social imprÚgne le web, le web transpire le social.
Les grandes plateformes ont atteint des nombres d’utilisateurs exceptionnels, et beaucoup se sont ruĂ©s sur ce nouvel eldorado : on nous vend du social partout : livres, confĂ©rences, blogs, web agencies,…
Chacun se doit de soigner son personal branding, les marques de soigner leur e-réputation :

Les webmasters doivent « socialiser » leur site ; les community managers doivent animer des communautĂ©s, tout le monde doit soigner son e-rĂ©putation et travailler son personal branding.

Oui, mais…

Les sites web ont-il vraiment besoin d’intĂ©grer des boutons sociaux pour permettre le partage de leur contenu ?


Pas forcĂ©ment, les utilisateurs des plateformes sociales savent comment partager un article d’un site web sur facebook ou twitter sans avoir recours aux plugins sociaux.
AddThis, qui propose des outils de social plugins, a rĂ©vĂ©lé rĂ©cemment dans une Ă©tude d’une ampleur assez importante ( 5 ans de donnĂ©es sur 1,2 milliard d’individus / mois) que la pratique majoritaire du partage de contenu sur les rĂ©seaux sociaux se fait…par copier coller, 10 fois plus frĂ©quemment que par les outils de partage.

De plus, l’intĂ©gration de fonctionnalitĂ©s natives de partage dans les navigateurs web, voire dans les systĂšmes d’exploitation des terminaux (IOS5 avec twitter) relativise l’impact des boutons sociaux intĂ©grĂ©s directement aux sites.
On peut se poser la question suivante : est-ce le rĂŽle des sites web que de proposer des plugins sociaux de partage (je ne parle pas des liens vers les espaces sociaux), ou bien doit-on laisser « cette tĂąche » aux navigateurs  ou aux systĂšmes d’exploitation ?
Cela me fait penser Ă  cette mode il y a quelques annĂ©es d’afficher sur les sites un bouton « ajouter le site aux favoris ». Cette pratique a Ă©tĂ© ensuite abandonnĂ©e, parce qu’il s’agit plus d’une fonctionnalitĂ© du navigateur, mais aussi parce qu’elle posait des problĂšmes ergonomiques et graphiques. Voir mon article Ă  ce sujet.

Les pages et comptes des marques sont-ils vraiment des communautés ?

Non, dans la plupart des cas, parler de « communautĂ© » pour une page facebook ou un compte twitter est galvaudĂ© : avoir des fans ou des followers ne signifie pas avoir une communautĂ©, et animer de tels espaces ne peut ĂȘtre appellĂ© du « community management ».
Une communautĂ© suppose des  « liens d’intĂ©rĂȘts, des habitudes communes, des opinions ou des caractĂšres communs” (dĂ©finition Larousse) ; dans beaucoup de cas, le seul caractĂšre commun est d’ĂȘtre fan ou de suivre une marque, et cet Ă©lĂ©ment  n’est pas suffisant pour faire exister une communautĂ©.
Voir mon article « Pourquoi les community managers ne font pas de community management ? »

Soigner son e-rĂ©putation, ne pas parler de sa vie privĂ©e… quitte Ă  avoir tous le mĂȘme profil ?

Certes, il est important de paraĂźtre un bon candidat aux yeux d’un recruteur lorsqu’on est Ă  la recherche d’opportunitĂ©s professionnelles.
Les gourous du personal branding expliquent aux Ă©tudiants qu’il ne faut pas publier leurs photos de soirĂ©e, verrouiller leur profil facebook, et bien remplir leur CV et dĂ©velopper leur rĂ©seau sur ViadĂ©o et LinkedIn.
Mais Ă  force d’Ă©couter ces conseils, n’arrive t’on pas Ă  une standardisation de la prĂ©sence web, oĂč tous les candidats se ressemblent et ou l’originalitĂ© et la personnalitĂ© de chacun s’efface sous prĂ©texte qu’il ne faut pas parler de sa vie privĂ©e sur le web ?
Voir mon billet « la mauvaise rĂ©putation »
Aujourd’hui, certaines  voix commencent Ă  remettre en cause cette pensĂ©e unique :  Jeff Jarvis avec son ouvrage « Tout nu sur le web »Â (Pearson Education – dĂ©cembre 2011), Jean-Marc Manach avec son ouvrage « La vie privĂ©e, un problĂšme de vieux cons » (Fyp Éditions – octobre 2010).

2012, année du post-social ?

Le web social est une rĂ©alitĂ©. Il a permis et il permet aujourd’hui de crĂ©er dans certains contextes des opportunitĂ©s pour des personnes et des marques qui n’auraient pas Ă©tĂ© possibles sans.

Mais beaucoup surestiment sa puissance  et son efficacité.

La derniÚre conférence #leweb11 , grande messe commerciale du web (en fait surtout du web social), à Paris en décembre 2011, avait pour slogan conceptuel et pour vision du web le #solomo, pour social, local, et mobile.

Lors de cette mĂȘme confĂ©rence, George Colony, CEO du cabinet Forrester Research, a avancĂ© un tout autre concept : le « post-social » ou #poso.

Son idĂ©e est simple : il y a trop de rĂ©seaux sociaux, trop d’espaces d’expressions, comparĂ© Ă  notre capacitĂ© d’utilisation.
George Colony reprend en fait le concept de « social media fatigue », qui Ă©merge depuis quelques mois, consolidĂ© par des Ă©tudes montrant une baisse de la contribution et une hausse de la passivitĂ©, sur facebook notamment.


Mais alors, que pourrait ĂȘtre ce fameux web post-social ?

Selon George Colony, ce sera un web plus efficace, plus pragmatique, recherchant l’efficacitĂ© et une forte valeur ajoutĂ©e des services en ligne, la productivitĂ© et la rapiditĂ©.

Comment cela pourrait se traduire au niveau des grandes plateformes ?
Cela voudrait dire pas forcĂ©ment moins d’utilisateurs mais moins d’utilisation, ou en tout cas une utilisation plus rationnelle, rĂ©pondant Ă  un besoin ciblĂ© et occasionnel : je vais sur LinkedIn car je suis Ă  a la recherche d’emploi, je vais sur facebook car je souhaite partager mes photos de vacances avec mes amis, mais je reste moins connectĂ© Ă  ces plateformes de maniĂšre permanente.

Path, l’avenir du web social ?

Le web post-social pourrait aussi permettre de nouvelles opportunités et une redistribution des cartes du marché du web social.
Cela pourrait favoriser le dĂ©veloppement de plateformes plus simples d’utilisation, avec moins de fonctionnalitĂ©s, et peut-ĂȘtre moins ouvertes .
Path pourrait parfaitement incarner ce web post-social : une plateforme assez fermĂ©e (application mobile Android et IOS, pas de plateforme web),  une vocation Ă  Ă©changer dans un cercle assez Ă©troit (limite d’amis fixĂ©e Ă  150 actuellement) , une simplicitĂ© d’utilisation (le design est Ă©poustouflant !), et surtout une absence totale de publicitĂ© ou de prĂ©sence de marques.

On imagine que si Path Ă©voluait, ce serait plutĂŽt vers un modĂšle freemium, tant la prĂ©sence de marques et de publicitĂ© est contraire Ă  l’esprit de cette application.

Ce serait alors une rupture profonde dans le web social, dans la mesure ou la plupart des grandes plateformes dominant actuellement le marchĂ© se basent sur le modĂšle publicitaire et l’irruption des marques dans la sphĂšre privĂ©e, pour permettre la gratuitĂ© de service Ă  l’utilisateur.

Et sur le plan organisationnel ?

La possible montĂ©e en puissance de ce type de plateforme, ajoutĂ© Ă  l’Ă©clatement de la bulle du web social, pourrait recentrer les marques vers une utilisation plus rationnelle des rĂ©seaux sociaux, ce qui n’est pas forcĂ©ment le cas aujourd’hui.
Sur le plan organisationnel, cela pourrait se traduire par un amoindrissement du « ‘Community Management » qui deviendrait plus une mission, Ă  dĂ©faut d’incarner vĂ©ritablement une fonction, exceptĂ© dans les trĂšs grandes entreprises ou dans certains domaines trĂšs marquĂ©s par la dimension communautaire (enseignement supĂ©rieur, sports,…).

Et vous, comment imaginez-vous l’avenir du web ?

8 commentaires

  1. Bel article, comme tous ceux que j’ai eu l’occasion de lire ici. J’avoue que je trouve que le terme social me parait galvaudĂ© dans bien des cas et en perd bien souvent sa substance « humaine » ou mĂȘme « humaniste ». Passer Ă  l’Ăšre post sociale remettrait peut ĂȘtre du sens dans tout ça. Sinon, cet article m’a redonnĂ© envie d’aller creuser du cĂŽte de path que je n’ai qu’effleurĂ© jusqu’Ă  prĂ©sent.

    1. Bonjour Aurélie,
      Merci de ton commentaire, c’est vrai que l’adjectif « social » revĂȘt souvent de multiples significations (pas que pour le web) qui n’ont parfois aucun rapport. On met du social partout !
      Quant-Ă  Path, je trouve la conception assez exceptionnelle. Pour le concept on verra si cela prend, mais ces derniers mois, il y a eu une trĂšs forte hausse du nombre d’utilisateurs. AprĂšs il faut voir l’utilisation rĂ©elle…

      Bonne journée !
      au plaisir,
      Sylvain

  2. Pour moi le web social est celui permettant le lien social authentique tel celui (qui fait dĂ©faut de plus en plus) dans la vie de tous les jours (avec les interactions en temps rĂ©el et synchrone, et toutes les consĂ©quences auxquelles cela expose). Internet permet cela -et donc bien plus puisque sans les frontiĂšres et la contingence du monde physique- dĂ©sormais avec la technologie opensim (logiciel libre) qui offre des espaces d’application en 3D avatarisĂ©s que notre cerveau -fait pour percevoir le monde et les gens en 3D- perçoit comme rĂ©els (le virtuel n’Ă©tant pas le contraire de rĂ©el). Alors beaucoup de rĂ©sistances encore pour aller s’y promener car il faut avoir muri sa confiance en soi -et consĂ©quemment en les autres- pour concevoir cette augmentation du rĂ©el (comme Ă  chaque innovation ayant permis de rĂ©duire nos limites sensorielles d’ailleurs, et lĂ  pas des moindres : le partage de nos Ă©motions). Des rĂ©sistances irrationnelles lorsque l’on considĂšre que dans ces espaces, l’interopĂ©rabilitĂ© avec les outils du 2D permet le 10 (ou +) en 1. Chat, voix, partage de documents, d’URL, de mĂ©dias, travail collectif, tout y est possible sans dispersion ni solitude face et sur autrement toutes les pages ouvertes simultanĂ©ment du web 2….
    Ah les mots Ă  la mode de travail collaboratif, de participation, de partage du pouvoir etc !, aucun outil permettant tout cela n’a pu crĂ©er cette posture! Mais pour ceux qu’ils l’ont de façon authentique, alors oui, le web 3D sera l’outil adaptĂ© et mon intuition est que notre cerveau ajoutera enfin quelques % Ă  ses10 actuels d’utilisation…
    Au fait, si une visite et des applications concrĂštes (e-learning en prĂ©sentiel Ă  distance, tĂ©lĂ©travail etc …) vous intĂ©resse, j’accompagne volontiers les premiĂšres connexions,( que des enfants de maternelle pratiquent dĂ©jĂ  sans problĂšme, voir ici : http://www.educavox.fr/Ecole-maternelle-Premiers-pas-dans).
    Aimablement :
    cheopsjenn@hotmail.fr pour RDV 😉

    1. Merci pour cet Ă©clairage intĂ©ressant sur le web 3d, que je connais peu. Cela peut effectivement permettre des relations sociales plus riches que celles permises par le web 2.0. Peut-ĂȘtre le vrai post-social 😉 ?
      Je vais voir votre site >>

      a+
      Sylvain

      1. Je vous accueille volontiers aussi sur Francogrid, oĂč se trouve le prototype de Ma Mairie en 3D : http://mamairieen3d.wordpress.com/, concept techniquement opĂ©rationnel pour toute mairie sur la base de la reproduction Ă  l’identique de celle existant localement. Mais plus largement, pour dĂ©couvrir les travaux de la communautĂ© internationale opensim qui permet dĂ©jĂ  de se ballader d’un monde Ă  l’autre depuis et vers notre grille francophone…
        Cordialement
        (sur Francogrid, chercher dans la liste Cheops Forlife7 et me laisser message, mais mieux : un email et je vous accompagne 😉 )

  3. Imaginer l’avenir du web…

    Perso, je vois les boutons sociaux se retrouver intĂ©grĂ©s aux navigateurs et OS. En fait j’imagine mĂȘme bien les navigateurs se transformer en gestionnaires de contenus:
    – je trouve un mp3, je le rajoute Ă  ma bibliothĂšque de mp3 intĂ©grĂ©e au navigateur
    – je trouve un article qui me plait, je le range dans mes articles prĂ©fĂ©rĂ©s, par thĂšme
    – etc

    Et derriĂšre: je peux partager ça oĂč je veux, quand je veux, l’envoyer Ă  qui je veux, par le moyen que je veux (mail, rĂ©seau social de mon choix, …), via des fonctionnalitĂ©s du navigateur.

    D’un autre cĂŽtĂ©, je vois bien les rĂ©seaux sociaux se thĂ©matiser: je pense sincĂšrement que Facebook ou Twitter ont Ă©tĂ© des fuites en avant, et que l’on va se diriger vers des rĂ©seaux sociaux thĂ©matiques, oĂč l’on pourra alors parler de « communautĂ©s » pour de vrai.

    Les gens ont besoin de crĂ©er du lien selon leurs centres d’intĂ©rĂȘts, et je crois qu’il ont bien compris qu’un Facebook n’est pas un outil fait pour ça. D’ailleurs, qui a dĂ©jĂ  dit: « j’ai rencontrĂ© quelqu’un sur Facebook » ? Facebook, en fait, c’est ce que c’est: un « book » oĂč on cherche simplement Ă  garder socialement la « face ». Y a pas de rencontres nouvelles, juste la gestion de rencontres dĂ©jĂ  faites.

    Sur Twitter par contre, se rapprocher via nos centres d’intĂ©rĂȘts semble plus faisable, mais lĂ  par contre on est limitĂ© par le format de l’information: du court, de l’instantanĂ©, rien ne se fige, et au final rien ne se construit concrĂštement entre les personnes en dehors d’Ă©changes de messages.

    Entre Twitter et Facebook, je vois des rĂ©seaux sociaux thĂ©matiques: un rĂ©seau des Ă©tudiants de telle Ă©cole, un rĂ©seau des fans de musique, … oĂč s’Ă©changer du contenu thĂ©matique est facile, rapide, utile.

    Enfin voilà, une idée. Ton article fait réfléchir en tout cas !

  4. Salut Alexis, merci de ton commentaire !

    Je suis séduit par tes deux idées !
    J’adore celle d’un navigateur gestionnaire de contenu, qui deviendrait donc plus qu’un navigateur…d’ailleurs on se demande pourquoi les navigateurs n’ont pas encore dĂ©veloppĂ© vĂ©ritablement cette approche de maniĂšre native (les outils de gestion sont souvent des extensions mais il faudrait que ces outils soient nativement dans les navigateurs).

    Dans l’IOS5, il y a dans safari une « liste de lecture », mais bon c’est pas non plus trĂšs poussĂ© ; comme tu dis un classement par dossiers / thĂ©matiques serait bien !
    Idem pour les « boutons sociaux »…

    Quant-Ă  la thĂ©matisation des rĂ©seaux sociaux, je suis d’accord avec ton point de vue, cela semble aller dans ce sens, je voulais d’ailleurs le noter dans mon billet mais j’avais oubliĂ© 😉
    Cela rejoint d’ailleurs le concept de « post-social » plus pragmatique, car les rĂ©seaux sociaux thĂ©matiques proposent du contenu, des connexions plus ciblĂ©es, plus concrĂštes que les gĂ©nĂ©ralistes.

    Merci en tout cas de partager ta réflexion !

    Sylvain

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