Il y avait les classements des villes, des hÎpitaux et des écoles, il y a désormais les classements des marques, clubs de foot, écoles de commerce et collectivités territoriales sur les réseaux sociaux.
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Qui a le plus de followers sur twitter ?
Qui a le plus dâengagement ou de portĂ©e ?
Qui a la plus grosse…communautĂ© ?
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« Jouant au foot ou Ă la guerre, Ă celui qui pisse le plus loin »
Si les classements des villes, Ă©coles ou hĂŽpitaux constituent un outil dâaide Ă la dĂ©cision pour le citoyen qui choisit une ville, le parent qui doit choisir une Ă©cole ou le patient qui peut choisir un hĂŽpital, Ă quoi sert de classer les marques, les universitĂ©s ou les villes sur les rĂ©seaux sociaux ?
Il ne sâagit pas, Ă coup sĂ»r, dâoutil dâaide Ă la dĂ©cision. Un Ă©tudiant ne va Ă priori pas choisir son universitĂ© selon ce type de classement, tout comme un habitant ne va pas choisir dâemmĂ©nager dans une ville si elle possĂšde beaucoup dâabonnĂ©s sur youtube.
En fait, lâutilitĂ© de ce type de classements est moins ambitieuse et plus auto-centrĂ©e : ils permettraient aux structures et community managers de sâĂ©valuer et de positionner les uns par rapport aux autres.
Mais de quelle évaluation parle t-on précisément ?
En rĂ©alitĂ©, on ne sait jamais trop, et câest bien lĂ le problĂšme.
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Si vous aimez vraiment les chatons, adoptez-en un !
Sur les rĂ©seaux sociaux, on a souvent tendance Ă partir du principe implicite que les indicateurs (quâil sâagisse du nombre dâabonnĂ©s, du reach ou de lâengagement sur les posts) mesurent la qualitĂ© ou la performance du community management. Mais ce lien de causalitĂ© est bien trop simpliste, tant une multitude dâautres facteurs rentrent en ligne de compte : notoriĂ©tĂ© de la marque, qualitĂ© du dispositif de promotion des espaces sociaux, type de contenu partagĂ©, heures de publication…
Dans le discours ambiant, le taux d’engagement est souvent prĂ©sentĂ© comme un indicateur qualitatif, par opposition aux indicateurs liĂ©s Ă l’audience des espaces (nombre d’abonnĂ©s, de followers, de fans..) qui seraient donc quantitatifs.
Mais considĂ©rer des taux d’engagement sans les corrĂ©ler aux types de contenus partagĂ©s (et donc aux objectifs d’une marque) est-il rĂ©ellement pertinent et qualitatif ?
Publier des gifs de chatons ou de rĂ©pliques de The Office, câest trĂšs drĂŽle, ça fera de lâengagement et peut-ĂȘtre du reach, mais au final, en quoi cela a servi Ă la marque, en terme dâimage ou en terme comportemental (achat, inscription Ă un service…) ?
Vous ne le savez pas.
Au lieu de publier des gifs de chatons, adoptez-en un, câest beaucoup plus drĂŽle et ça dure plus longtemps.
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Metrics are not goals
Autre biais Ă©tonnant : il est trĂšs intĂ©ressant de constater que trĂšs souvent, lâindicateur se substitue Ă lâobjectif (Qui nâa jamais Ă©crit sur une stratĂ©gie social media : « Objectif : 10000 fans ») et donc souvent aux rĂ©sultats obtenus (Qui nâa jamais vu une success story dâagence web avec la phrase : « RĂ©sultats : + 10 000 fans en 2 mois de campagne »).
Et puisque lâindicateur (la mĂ©trique) devient lâobjectif (ou le rĂ©sultat), vous lâaurez compris : plus besoin dâavoir des objectifs !
Si cela a certes lâavantage dâĂȘtre trĂšs pratique, cette confusion pose nĂ©anmoins un sĂ©rieux problĂšme de fond, puisque en substituant lâindicateur Ă lâobjectif, une dĂ©marche stratĂ©gique qui pose les vraies questions (et donc les vĂ©ritables objectifs) nâest plus possible : Ă quoi sert ma prĂ©sence sur les rĂ©seaux sociaux ? Sert-elle la notoriĂ©tĂ©, lâimage, lâacte d’achat, lâinscription Ă des services ? Pour quels segments, pour quelles cibles spĂ©cifiques ? Dans quels contextes ? Avec quels contenus ?
Non, le taux dâengagement nâest pas un objectif !
Non, le nombre de followers nâest pas un rĂ©sultat !
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Le benchmark & Â le ranking, des strategy killers ?
Comment expliquer ce phénomÚne ?
Sans doute par la trĂšs grande visibilitĂ© et la facilitĂ© dâaccĂšs aux donnĂ©es statistiques (notamment via les API), qui permettent de construire des classements et dâĂ©tablir des comparaisons et des visualisations avec une multitude dâindicateurs.
Il est donc trĂšs facile de comparer et de se comparer sur les rĂ©seaux sociaux, beaucoup plus facilement quâavec les mĂ©triques des sites web qui demeurent cloisonnĂ©es et non publiques, mĂȘme si certains outils permettent des comparaisons sur certaines mĂ©triques (Ranking Alexa, outils de suivi SEO, analyses comparatives dans google analytics).
Et Ă force de trop se comparer aux autres, il est facile dâoublier ses propres spĂ©cificitĂ©s, son propre contexte, et de ne pas dĂ©finir des objectifs prĂ©cis.
Une stratĂ©gie social media qui se limite Ă lister les plateformes sur lesquelles une marque est prĂ©sente en y associant le nombre dâabonnĂ©s et les taux dâengagement nâest pas une stratĂ©gie mais un listing (dites-ça Ă votre agence web, ça vous permettra de payer moins cher đ ).
De la mĂȘme maniĂšre, faire un benchmark est un bon moyen de comprendre un environnement thĂ©matique ou concurrentiel, ce qui peut contribuer Ă la dĂ©finition dâun positionnement de marque, de produit, de support ou de service. Mais malheureusement le benchmark se transforme souvent en simple copie de ce quâa fait le concurrent (« puisque eux lâont fait, on ne va pas rĂ©inventer la poudre »). Câest pratique, Ă©conomique (Ă premiĂšre vue seulement, car adopter un modĂšle non distinctif ou faire lâimpasse sur une approche stratĂ©gique finit par coĂ»ter cher Ă terme), mais pour la stratĂ©gie et le caractĂšre distinctif dâune approche, il faudra repasser.
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De la vanity metric Ă la custom metric
10000 abonnĂ©s sur twitter, 30000 pages vues par mois sur un site web ne sont pas en soi de bons ou de mauvais chiffres, et ce mĂȘme si nous pouvons les comparer avec des concurrents.
Many people mistake social media marketing for a popularity contest; they focus on vanity metrics instead of metrics that show progress toward a real goal. #smm
— Stephanie Leishman (@hatchsteph) 23 mars 2018
La premiĂšre question Ă poser est : que mesure le nombre dâabonnĂ©s, que mesure le nombre de pages vues par mois ? La performance dâune campagne, du community management, de la stratĂ©gie de contenu, de la notoriĂ©tĂ© de la marque ?
Bien Ă©videmment, il nây a pas de rĂ©ponse tout faite, car chaque structure et entreprise doit construire ses propres indicateurs en fonction de ses objectifs.
DeuxiĂšme (et dernier) point : les indicateurs les plus connus et les plus accessibles sont souvent les moins pertinents ; il paraĂźt donc capital de se focaliser sur les « Actionable metrics » : taux de conversion, coĂ»t dâacquisition client, ROIâŠet de relier ces indicateurs Ă des objectifs dĂ©terminĂ©s.
Autrement dit, passer du culte de la vanity metric Ă lâexploitation de la custom metric, faite sur mesure et outil dâaide Ă la dĂ©cision.
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Je partage en complĂ©ment ce billet d’Arnaud Gaidon qui va totalement dans le mĂȘme sens : https://medium.com/@ArnaudGaidon/le-community-management-est-mort-a8c1ef83d93b