« Consultez nos offres d’emplois »
C’est bien souvent le seul élément « marque employeur » des collectivités visible sur leur site internet, précédant une liste des offres d’emploi dont le langage n’est pas toujours accessible pour un candidat ne possédant pas les codes de la fonction publique : AVP, catégories A, B, C, contractuel, cadre d’emploi,….
Confrontées comme beaucoup d’entreprises à des difficultés de recrutement, les collectivités sont en effet très peu nombreuses à se promouvoir comme employeur.
L’exemple du Département des Yvelines ferait presque figure d’exception dans le panorama.
Comment expliquer ce retard, alors que ces structures possèdent de nombreux atouts ?
Comment les collectivités peuvent développer et améliorer leur « marque employeur » et parvenir à satisfaire à leurs besoins de recrutement ?
Une problématique qui transcende les périmètres
Première raison qui pourrait expliquer ce retard : la marque employeur est un vaste sujet, qui transcende les missions de plusieurs services notamment celles de la direction de la communication et des ressources humaines.
La direction de la communication ne peut vraisemblablement pas mettre en place une stratégie marque employeur sans que la DRH soit partie-prenante et même (co)pilote. L’inverse est possible, si la collectivité dispose à la DRH d’une compétence ou d’une sensibilité com’, mais ce n’est pas toujours le cas. Car la marque employeur est une problématique RH qui mobilise également la compétence communication, dans une orientation autant marketing que communication interne. En effet, sur son volet recrutement, la marque employeur implique des techniques de marketing : définition de propositions de valeurs, définition de parcours utilisateurs (journey mapping) et de l’expérience utilisateur, plan média, notion de maturation d’un candidat, de ROi des actions mises en places et indicateurs de performance.
Des compétences que ne possèdent pas toujours les collectivités.
Deuxième piste : un chantier « marque employeur » doit à la fois mobiliser la direction et les élus, car ils doivent porter la vision et la promesse, mais aussi les collaborateurs, car c’est eux qui vont aider à expliciter l’identité et les valeurs. Il ne s’agit donc ni d’une approche « top-down » ni « bottom up », mais plutôt d’une approche transverse qui doit impliquer différents acteurs de la collectivité pour des raisons différentes et à des moments différents de la réflexion (ce dernier point est capital).
Un sujet sensible ?
Enfin, la marque employeur est un sujet sensible , ou du moins délicat : Le thème de la qualité de vie au travail peut également effrayer des DRH qui ont quotidiennement en charge et en tête les problématiques sociales internes.
Autre point : le travail sur les promesses va rapidement porter sur des thèmes d’ordre pratique : nombre de congés par an, chèques déjeuners, conditions de travail (bureau, véhicule, téléphone portable…) car les candidats ont besoin de ces informations pour faire leur choix.
Or, les DRH et les directions fonctionnelles éprouvent souvent des réticences à formaliser ces éléments comme promesses et à accepter que la volonté de travailler pour un employeur soit davantage déterminée par des questions pratiques que par des valeurs, bien que celles-ci soient paradoxalement rarement explicitées par les collectivités sur leurs territoires de marque employeur. Pourtant, c’est un besoin essentiel et il faut impérativement l’adresser.
Il faut parvenir à parler à la fois du sens et du pratique ; et l’un des enjeux de la marque employeur est de réussir cette articulation.
Sur ce plan, les structures publiques possèdent beaucoup d’atouts inhérents à leur raison d’être (le bien commun, le service aux usagers, la solidarité…) mais aussi à leur modèle organisationnel (« sécurité de l’emploi », nombre de congés..). Pourquoi alors ne pas plus les valoriser ?
Comment initier un projet marque employeur dans une collectivité ?
Une fois le diagnostic posé, comment alors avancer ?
Premier point, il est important d’avoir en tête que la marque employeur embrasse une problématique beaucoup plus large que celle du recrutement, même si cette dernière est bien souvent le point d’entrée pour travailler sa marque employeur (« j’arrive pas à recruter »).
Je vous conseille d’aborder ce dossier en trois chantiers, et c’est ainsi que nous procédons habituellement :
- Un volet amont « Marque employeur » qui va permettre, grâce à différents outils et données de construire les éléments de la plateforme-forme de marque : identité, vision, valeurs, missions, promesses. Différents outils vont être mobilisés sur cette phase : analyse, synthèse et interprétation des données existantes (documents cadres, documents de communication, données statistiques…), enquêtes, entretiens individuels avec des personnels représentatifs de la collectivité, directeurs, élus. L’enjeu à ce stade et de choisir le bon outil (l’entretien individuel est sans doute le meilleur outil ; je vous déconseille fortement les focus groups dans ce but et de manière générale pour recueillir des données d’opinion), de poser les bonnes questions (les questions ne seront pas les mêmes selon le profil). Une fois définie la marque, il faudra la mettre en mot et en mouvement, avec une communication interne et externe détaillant les éléments de la marque.
- Un volet « communication de recrutement » qui fait logiquement suite au premier chantier et qui peut se décomposer classiquement selon 3 parties : analyse de l’existant (sourcing, rédaction des annonces, canaux de diffusion, process de recrutement, e-réputation d’employeur…), définition d’un plan média, des indicateurs de performance et création des contenus (rédaction des annonces, création de contenus « nos atouts », témoignages de collaborateurs…), puis enfin évaluation des actions menées et réajustements dans une approche d’amélioration continue. C’est sur ce volet qu’il est capital d’adopter les techniques de marketing digital ; le choix des canaux (jobboards, forums spécialisés métier, événements carrières, sites d’avis de collaborateurs…) est tout aussi important que le contenu qui sera proposé sur ces différents supports. Concernant le contenu, il sera essentiel de sortir de la fameuse « company gravity », d’adopter un ton attractif et un vocabulaire qui puissent être compris par des non fonctionnaires (« n’écrivez plus « contractuels ! 😉 )
- Un volet « Employee Advocacy », afin d’intégrer les collaborateurs dans la double démarche d’affirmation de la marque et de participation à la communication de recrutement. Dans ce cadre, des ateliers consacrés aux réseaux sociaux peuvent constituer un bel outil pour servir cet objectif, mais aussi et surtout pour faire progresser les collaborateurs dans leur pratique des réseaux sociaux, dans une logique bénéfique à la fois à l’employeur et au collaborateur. Ce volet est un vecteur très puissant de la marque employeur : on sait par des études linkedin que l’engagement généré par des posts des collaborateurs d’une entreprise est très fort comparé aux posts de l’entreprise elle-même. Quand on parle d’Employee Advocay, on évoque souvent les outils (socially-up, linkedIn elevate…) mais on oublie souvent la base : former et fédérer les collaborateurs avant des les inciter à partager du contenu !
Bien sûr, il existe un volet RH pur qui concerne la mobilité et le développement des compétences, qui va au-delà de la marque employeur mais qui peut tout à fait être un chantier initié ou appuyé par un projet marque employeur. Je vois beaucoup de conférences ou d’articles qui affirment que la marque employeur ne doit pas s’arrêter au recrutement mais doit aussi intégrer l’onbaording (phase d’intégration des salariés) ; j’irais plus loin en disant que la marque employeur ne doit pas s’arrêter à l’onboarding mais appréhender la totalité du parcours des salariés, du premier contact avec la marque employeur en tant que potentiel candidat à l’évolution du collaborateur au fil des années dans la structure. Un travail sur le long terme !
Le sujet marque employeur est donc très large, complexe et sensible ; c’est pourquoi il est donc important d’avoir en tête les points abordés dans ce billet avant de commencer.
Je conseillerai aux entreprises et notamment les collectivités de ne pas forcément envisager l’ensemble avant de débuter des actions -au risque d’être paralysé par l’ampleur de la tâche-, mais de débuter, avec l’existant, par les 3 chantiers énoncés plus haut.
En d’autres termes, n’attendez pas d’avoir résolu en interne toutes les problématiques sociales ou de développement de compétences pour initier un projet marque employeur, mais initiez la démarche à partir de votre existant, ces forces et ces faiblesses, et en fixant des objectifs et une vision !