Valorisation de la recherche : 6 axes à privilégier pour les écoles, universités et laboratoires

Diffuser la culture et l’information scientifique et technique, contribuer au dialogue entre sciences et sociétés font partie des missions des enseignants-chercheurs comme des établissements d’enseignement supérieur, et pour lesquelles ils sont évalués, de manière quantitative (classements des universités) ou qualitative (rapports de l’HCERES…).

Pourtant, un constat d’échec est souvent porté sur la satisfaction de cette mission : “on devrait avoir à peu près rendu compte de la situation en partant de l’idée qu’entre 98 % et 99 % de toutes les productions de textes issues de l’université sont rédigées dans l’attente, si justifiée ou injustifiée soit-elle, d’une non-lecture partielle ou totale de ces textes”, écrivait le philosophe Peter Sloterdjik dans une tribune dans le Monde en 2012, parlant de “pacte de non-lecture”.

En effet, les efforts de communication et de diffusion des savoirs des enseignants-chercheurs semblent plus s’adresser à leurs pairs qu’au fameux “grand public”, entité obscure dont le recours sémantique témoigne de la méconnaissance des publics à qui les savoirs pourraient s’adresser.

Face à ce constat, comment parvenir à améliorer la diffusion des savoirs dans la société ?

Voici 6 pistes à développer pour votre laboratoire, centre, chaire, école ou université  !

1.Créer du lien entre communicants et communauté scientifique 

L’enjeu : les enseignants-chercheurs ont parfois des difficultés à identifier les missions d’un service de communication et in extenso, ne voient pas forcément l’utilité d’accorder du temps à la vulgarisation scientifique ou tout autre demande qui ne concernerait pas directement leurs recherches. Il paraît donc indispensable, au préalable des autres axes précisés dans la suite de billet, de créer et entretenir un lien entre ces deux métiers pour mieux comprendre leurs enjeux respectifs… et comme pour tisser toute relation, créer du lien entre chercheurs et communicants ne se fait pas du jour au lendemain et demande d’y accorder de l’attention avec une certaine régularité !

Pour commencer 💪🏼 : Adopter quelques bons réflexes au quotidien : pas besoin de grandes actions mais surtout des petits gestes : privilégier la venue sur place plutôt que le téléphone (quand cela est possible), envoyer le contenu pour révision, partager le lien une fois publié et surtout faire part à la personne interviewée des retombées avec des métriques ou repères qu’il comprendra !  (le taux de clic ou d’engagement ne sera pas forcément évocateur pour des enseignants-chercheurs)  

Pour aller plus loin 💪🏼💪🏼: Tenir un fichier complet, à mettre à jour une fois par an, des chercheurs ou chercheuses avec qui vous avez travaillé. Celui-ci pourra vous servir pour les solliciter si besoin sur d’autres opérations de communication. 

2. Former les enseignants chercheurs à Linkedin et aux réseaux sociaux professionnels

Le problème : si la plupart des enseignants-chercheurs connaissent Linkedin et possèdent un compte, peu développent une présence vraiment active et exploitent les opportunités que le réseau social permet. “Il faudrait que j’y aille plus, mais c’est chronophage”, antienne la plus entendu en atelier linkedin, témoigne de la non-perception des opportunités (car on ne considère une activité chronophage que si on a du mal à percevoir son intérêt)

Or, la plateforme offre des opportunités de veille, de socialisation (avec les “entreprises”, les pairs, les journalistes mais aussi les étudiants) et de valorisation de son propre travail extrêmement puissantes.

Pour commencer 💪🏼 : deux ateliers linkedin, espacés d’un mois afin que les participants puissent faire un retour d’expérience, dans lesquels les enseignants chercheurs sont sensibilisés et formés sur les enjeux (comprendre l’intérêt personnel et pour la structure) et bien évidemment les bonnes pratiques !

Pour aller plus loin 💪🏼💪🏼 : un véritable programme de formation et de sensibilisation sur les réseaux sociaux, qu’ils soient professionnels (linkedin), spécialisés (researchgate) ou généralistes (twitter).

3.Mieux présenter le corps professoral / l’équipe de recherche

Le problème : qu’on l’appelle “corps professoral », “faculté” (dans les business schools) ou “l’équipe” (“laboratoires”), chaque site web d’université, d’école ou de laboratoire présente généralement un annuaire qui permet d’accéder aux “fiches professeurs” ou “fiches annuaire”. Mais ce type de contenu est souvent peu mis en valeur ou même optimisé : l’accès à ces fiches s’effectue souvent via des filtres organisationnels ou statutaires (“voir les professeurs par département”, “par discipline ») et très peu souvent par des filtres orientés utilisateur (par exemple par thème ou par sujet d’actualité, utile pour les journalistes). Le contenu des fiches est parfois aussi assez sommaire (photo, informations de contact, CV) alors que beaucoup d’éléments sont intéressants à relier avec ces fiches : citations, tribunes et articles dans la presse, le fait d’être disponible pour les journalistes, les sujets et thèmes de prédilection (au-delà des “disciplines” universitaires), les programmes / diplômes dans lesquels le professeur enseigne, les distinctions…

Pour commencer 💪🏼 : sensibiliser les professeurs sur l’utilité des ces pages (que ce soit pour eux ou pour la structure), enrichir leur contenu et définir un process de publication (qui fournit le contenu, qui publie, qui valide, qui met à jour…)

Pour aller plus loin 💪🏼💪🏼: repenser l’ensemble de la présentation des fiches professeurs, que ce soit en terme d’accès (visibilité sur le site, parcours utilisateurs, enjeux en terme de référencement), de présentation et de process de gestion du contenu. Ce travail possède à la fois des implications en terme de contenu, d’expérience utilisateur mais aussi technique (quelles données / contenus sont saisies sur le CMS, sur un ERP, dans l’Active Directory ?)

Les fiches professeurs du site de l’UQAM précisent les domaines d’expertise (et non les disciplines !) et si le professeur est disponible pour les médias

4. Relations presse : faire matcher les enseignants chercheurs et les journalistes

Le problème : d’un côté, des journalistes qui peinent à trouver et entrer en contact avec des experts dans leur domaine mais aussi à renouveler et diversifier les interventions. De l’autre, des experts avec des connaissances solides, pas toujours enclins à prendre la parole dans les médias pour de mauvaises raisons (complexe de l’imposteur) ou de bonnes (manque de temps). 

Pour commencer 💪🏼 : présenter sur le site de l’école / université ou laboratoire une liste de professeurs disponibles pour des sollicitations des médias, et ce par thème / sujet d’actualité (et non par discipline ;)), inviter lors d’ateliers twitter dédiés les professeurs à se connecter et à échanger avec les journalistes liés à leur domaine / sujet en amont des demandes des journalistes : une grande partie du travail sera déjà faite !


Pour aller plus loin 💪🏼💪🏼 : en plus de la solution facile, mettre en place une véritable stratégie de veille et établir des connexions régulières et avancées avec les journalistes adéquats. 

5. Créer une plateforme de contenus ou blog

L’enjeu : comme toute nouvelle initiative ou pratique qui émerge dans une structure (qui est écosystème), il y a les “convaincus”, qui pourront être pilotes, les “perplexes” qui doutent ou ne perçoivent pas l’intérêt d’une démarche, et les “réfractaires” (qui seront difficilement mobilisables, et de ce fait pas la cible de ce type de démarches).

Les convaincus ont envie de valoriser leur activité de recherche, que ce soit en lien avec les sujets d’actualités ou pas, mais ne possèdent pas toujours le support pour le faire. Du côté de la demande, différents types de publics (ne dites pas “grand public”) souhaitent apprendre, progresser dans leurs connaissances ou leurs compétences en consommant des contenus accessibles (en terme de sujet, de sémantique, de niveau d’analyse mais surtout de forme).

Pour commencer 💪🏼 : embarquer les “convaincus” dans un projet de plateforme qui soit facile à mettre en oeuvre techniquement et fonctionnellement (un blog hébergé sur wordpress.com, medium…) et surtout qui soit très facilement appréhendable par les contributeurs dont l’édition web n’est pas le métier (en ce sens, medium propose une interface de contribution exceptionnelle ; nous l’avons expérimenté avec l’école urbaine de Lyon avec le média “Anthropocène 2050” ). Cela peut se faire sur une durée limitée (par exemple tester cela sur 1 an sur un domaine / thème spécifique), une telle approche permettant de décomplexer la démarche et de ne pas se fixer des objectifs trop hauts au lancement. Cette approche effectuale permettra de tester et d’affiner le dispositif, et aussi d’embarquer les “perplexes” dans le projet : l’idée est de leur donner envie de publier et de participer à l’aventure ! 

Pour aller plus loin 💪🏼💪🏼 : mettre en place une plateforme de contenus dédiée, comme le proposent les business schools avec les plateformes “knowledge” (knowledge@hec , knowledge de l’ESSEC) les grandes écoles (la revue de l’Institut Polytechnique de Paris) , universités  ( “Sciences pour tous” à l’Université Lyon 1) ou encore le CNRS avec “CNRS Le journal” )  avec une approche plus structurée et orientée long terme. 

La plateforme knowledge@HEC

Nous développerons ce sujet dans un prochain billet. 

Cette solution peut d’ailleurs être la suite de la première solution proposée ci-dessus ! 

6. Toucher les plus jeunes ou les plus éloignés des sciences : tiktok, instagram, influenceurs, vidéos, podcasts 

Le problème : tout établissement d’enseignement supérieur ou de recherche souhaite faire -ou dit faire- de la vulgarisation scientifique, en allant notamment vers les publics “éloignés des sciences”. Problème : peu y parviennent, et les dispositifs cités plus hauts n’atteindront souvent pas ces publics moins accessibles : twitter, linkedin et encore davantage les plateformes knowledge concernent avant tout un public sensible ou disposé aux contenus scientifiques. 

Pour commencer 💪🏼 : pourquoi ne pas créer un petit comité (toujours avec les « convaincus”) en définissant une ligne éditoriale liée aux expertises du laboratoire, école ou université, de définir les publics à atteindre et de proposer des formats faciles à mettre en place ? L’enjeu sera ici est celui du territoire : il faut aller sur le territoire des personnes que l’on veut atteindre : événements sportifs, TikTok, Instagram…avec le bon format : même si l’on est pas dans de la vulgarisation scientifique, le compte TikTok d’Hugodecrypte donne des bonnes pratiques en matière de forme. Le compte Instagram ExploreFr est très intéressant lui aussi sur la manière dont est servi le contenu scientifique (nous y reviendrons dans un prochain billet). Des séries de posts, stories, reels ou TikTok peuvent être créés assez rapidement et de manière flexible. 

Le compte instagram explorefr part d’une anecdote, d’un fait ou d’une application concrète pour dérouler ensuite une explication scientifique

Pour aller plus loin 💪🏼💪🏼 : avec la même approche cible – objectifs – ligne éditoriale, créer des formats un peu plus longs comme des vidéos ou des podcasts, comme l’a initiée il y a quelques années le CNRS avec sa chaîne youtube Zeste de Sciences (on en avait parlé dans un billet ici). Attention toutefois à bien percevoir la différence entre youtube, plateforme assez ouverte et permettant de toucher des publics plus éloignés des sciences à condition d’avoir un format TRÈS attractif et adapté et l’écosystème podcasting, plus cloisonné et ciblant par défaut un public plus sensible aux sciences. 


Vous pensez à d’autres axes ou souhaitez enrichir le propos ? N’hésitez pas à commenter !

Ce billet ouvre la série “communication et valorisation de la recherche” qui se poursuivra par la publication de 6 billets dédiés à ce thème, qui rentreront dans le détail de chacun des 6 axes développés dans ce billet et la tenue d’ateliers de partage d’expérience sur ce thème, avec des chercheurs et communicants d’écoles et d’universités. 

Si vous voulez être averti des prochains billets et de la tenue d’ateliers, n’hésitez-pas à nous le dire ! 

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